L'artiste moderne, homme orchestre
- Lo Kee
- 9 avr.
- 5 min de lecture
Je vous avais dit que j’allais parler du fait qu’être artiste, c’est aussi être à la tête d’une petite entreprise. Et apparemment, ça a parlé à pas mal de monde car mon article sur les dessous économiques du métier a explosé les compteurs, c’est devenu le plus lu du blog.
Une surprise
J’ai reçu beaucoup de retours, aussi bien d’indépendants qui se sont reconnus dans mes propos que de personnes extérieures au métier, souvent surprises par l’ampleur des frais. Beaucoup ne se doutaient pas que c’était à ce point-là.
Je l’avais annoncé : parler de l’artiste comme entrepreneur me semblait essentiel. C’est quelque-chose que j’ai découvert presque malgré moi mais franchement, je ne pensais pas à quel point c’était vrai. Et je crois que pour beaucoup, c’est encore moins évident.
1 - Au commencement, Lo Kee, l'artiste photographe
Commençons par le début : quand on est photographe, la base, c’est de faire des photos. Les meilleures possible, évidemment. Ça paraît simple dit comme ça, mais si c’était si facile, tout le monde serait Peter Lindbergh, Sebastiao Salgado ou Josef Koudelka.

2 - Lo Kee, le community manager
Une fois les photos faites, encore faut-il en faire quelque chose. En 2025, les réseaux sociaux sont devenus le premier canal de diffusion. Avec leur essor, un nouveau métier a émergé : celui de community manager. Pour ceux à qui ça ne parle pas, c’est un rôle qui consiste à construire une stratégie de communication pour rendre une marque (ou ici un photographe) visible en ligne
Chaque réseau social a ses propres codes, et le rôle du community manager est justement de savoir comment adapter et valoriser le travail d’un artiste en fonction de ces particularités. Il assure la gestion et l’animation des différents comptes.
Je parle bien de métier, car gérer sa communication en ligne ne s’improvise pas. Si c’était si simple, tout le monde aurait un compte à 100k. De mon côté, j’ai dû, en plus de mes compétences photographiques, développer un minimum d’aptitudes dans ce domaine pour réussir à « émerger ».
3 - Lo Kee, le webmaster
À côté des réseaux sociaux, j’ai aussi fait le choix d’avoir mon propre site. On peut peut-être s’en passer, mais aujourd’hui, je suis bien content de l’avoir. C’est un espace que je peux façonner à mon image, où je peux publier ce blog sans les contraintes des réseaux, comme je l’explique ici.
Mais qui dit site internet dit aussi gestion technique. Même si les plateformes actuelles facilitent la création de site sans connaissances en code, il reste un domaine particulièrement complexe pour les non-initiés : le SEO, #moncauchemar.
L’enjeu ici est de faire en sorte que votre site se distingue dans un océan d’autres. Après tout, un site sans trafic, c’est un site qui n’existe pas, n’est-ce pas ? C’est pourquoi j’ai dû investir du temps et des efforts pour me former à ce domaine et optimiser la visibilité de mon travail. Et, soyons francs, cela n’a plus grand-chose à voir avec la photographie !
4 - Et là vous vous dites « mais Lo Kee pourquoi t’imposer tout ça ?! »
Beh parce-que faire des belles photos c’est bien mais si personne n’est au courant ça ne sert à rien !
Loin de moi l'idée de chercher à marquer l’histoire (quoi que…), mais ce que je désire avant tout, c’est pouvoir continuer à vivre de ma passion : la photographie.
Avoir un site et des réseaux sociaux me permet de toucher des personnes qui partagent des centres d'intérêt similaires aux miens. Je suis convaincu d'avoir un talent, et je sais qu'il existe des gens de l'autre côté qui sont à la recherche de ce talent. L'objectif est donc d'entrer en contact avec eux.

5 - Lo Kee, le commercial
Quand Lo Kee, le Community Manager, et Lo Kee, le webmaster, ont mis en place une stratégie et une plateforme pour rencontrer des gens, la prochaine étape a été de définir ce qu’il fallait dire et comment le dire.
La photographie est un domaine extrêmement compétitif, avec des milliers de photographes talentueux. Mais être l'un d'eux ne suffit pas. Il y a une réalité qui peut en déstabiliser certains : personne ne vous attend. Peu importe vos compétences, la plupart des gens n'ont même pas connaissance de votre existence.
Lo Kee, le commercial, va donc s'efforcer de trouver des clients, leur présenter ses services et négocier les contrats. Pour un artiste le métier de commercial exige des compétences qui, bien souvent, sont très différentes de celles nécessaires à un artiste.
6 - Lo Kee, le comptable
C’est l'un des rares domaines où je me fais aider. Cela implique un coût assez conséquent, mais c’est la partie la plus importante, celle où l’on ne peut pas se permettre d’erreurs, et c’est aussi celle qui s'éloigne le plus de ce qui m’intéresse vraiment. Alors…
En vérité, j'ai appris à m'accommoder des règles de cet exercice qui me semble contre-nature, et j'y trouve parfois un certain plaisir, bien que minime.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut bien maîtriser les bases afin que Lo Kee, le commercial, puisse proposer ses services à un tarif qui couvre les frais et cotisations, tout en lui permettant de dégager un revenu pour vivre du fruit de son travail.
7 - Lo Kee, l’agent
Revenons à quelque-chose de plus artistique : la promotion de mon travail.
Les comédiens en ont, les musiciens aussi, et certains artistes également : ce sont les agents. Leur rôle est de promouvoir la carrière de leurs protégés, en utilisant leur réseau pour leur trouver des opportunités.
Actuellement, je gère moi-même la promotion de mon activité. Je consacre du temps chaque jour à surveiller les opportunités comme les bourses, prix, résidences, et autres partenariats potentiels.

8 - Lo Kee, le chargé de rédaction et montage de dossier
Une fois les opportunités identifiées, il est temps de passer à l'étape de la rédaction. Un autre exercice codifié où Lo Kee, l'agent, et Lo Kee, le photographe, devront se mettre d’accord pour exprimer ce qui motive ce dernier, ce qui fait de lui un candidat unique et parfaitement adapté au prix, festival, ou autre opportunité à laquelle il postule.
Cet exercice impose de prendre un recul considérable sur sa pratique, et je dois dire que c’est sans doute l’exercice non-photographique qui m’a le plus aidé à progresser. C’est un peu comme une psychanalyse de son travail et de ce qui pousse à créer.
Cela m’a permis, dans mon cas, de comprendre pourquoi je fais les photos que je fais de cette manière et pas autrement. Pourquoi je me concentre sur tel aspect plutôt que sur un autre. Cela m’a aussi permis d’identifier et de situer ma pratique dans des courants artistiques bien établis.
9 - Lo Kee, le polyvalent
Et bien sûr, il y a bien d’autres casquettes que je pourrais mentionner, mais il est temps de conclure cet article. J’aurais aussi pu vous parler de Lo Kee, le vendeur, Lo Kee, le logisticien, Lo Kee, le scénographe…
Pour ceux qui ont pris le temps de lire l’article jusqu’à la fin, je voudrais préciser une fois de plus que je ne me plains pas. J’ai choisi cette voie, je l’aime profondément, et j’accepte toutes les exigences qu’elle implique, même si parfois (souvent) je me sens un peu dépassé par l’ensemble des compétences qu’il me faut mobiliser.
J'espère que cet article permettra de dissiper certains a priori et préjugés. Il est vrai que, en tant qu'indépendants, nous avons une certaine liberté dans l'organisation de nos journées. Mais en réalité, dans mon cas par exemple, « weekend » et « semaine » on la même signification, je travaille tous les jours. Du lever au coucher, tout ce que je fais est lié de près ou de loin à mon activité professionnelle, et je sais que beaucoup de mes collègues artistes vivent la même réalité.
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